plus complet :  nous mettons en ligne ci dessous le texte de la 1ere partie de la conférence de presse commune (SAPN-FNE05 et CLIMAT05) du 16 mars 2022

Les déchets biodégradables contenus notamment dans les sacs d'ordures ménagères produisent naturellement quand ils se décomposent en étant enfouis des « biogaz » (gaz émis lors de la décomposition des déchets biodégradables).

Ces biogaz contiennent une importante proportion de méthane et le méthane est, personne ne le conteste, un puissant gaz à effet de serre.

Pour ce motif, des lois et règlements sont édictés pour interdire de rejeter à l'air libre ces biogaz avant de les avoir traités par des procédés qui détruisent le méthane.

Le scandale que nous dénonçons est que le méthane produit par les déchets de la décharge de Sorbier est rejeté depuis des années directement à l'air libre.

Alors même que les autorités se déclarent soucieuses de limiter le réchauffement climatique en cours, elles laissent faire.

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L'objectif des associations et citoyens qui se mobilisent est d'abord d'obtenir urgemment la fin de la pollution en cours.

Nous souhaitons aussi que des enseignements soient tirés de l'attitude des autorités dans cette affaire dans le but d'éviter la répétition de scandales de ce type.

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La réalité de l'émission de méthane par l'ISDND de Sorbiers

Les décharges sont maintenant pompeusement appelées « installation de stockage de déchets non dangereux » (ISDND).

Une ISDND est implantée sur le territoire de la commune de Sorbiers dans le sud des Hautes-Alpes. Cette ISDND est exploitée par la communauté de commune du Sisteronais Buëch (CCSB).

Des ordures ménagères sont enfouies dans cette ISDND et produisent naturellement (c'est automatique) des biogaz contenant du méthane.

L'exploitant chiffre lui-même le 3 juin 2020 le méthane émis à 88.8 m3 par heure.

Cf. fin du tableau 25 du rapport annuel 2020 page 72, rapport disponible sur le site de la préfecture.

La réalité de l'obligation d'éliminer le méthane

Comme nous l'avons dit il a l'obligation de traiter les biogaz émis pour éviter de relâcher le méthane dans l'air, faute de quoi l'ISDND participe activement au réchauffement climatique, étant précisé que les autorités n'hésitent pas à affirmer (article L. 229-1 du code de l'environnement) que

« La lutte contre l'intensification de l'effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique sont reconnues priorités nationales. »

L'arrêté ministériel du 15 février 2016 qui fixe les règles de fonctionnement des ISDND le laisse pas planer d'ambiguïté. Notamment l'article 12 énonce que « Chaque casier recevant des déchets biodégradables est équipé d'un dispositif de collecte du biogaz dès la production de celui-ci. Le dispositif de collecte et gestion du biogaz mentionné aux deux alinéas précédents est complété de manière à assurer la collecte du biogaz pendant toute la durée de la phase d'exploitation du casier. (...) Le biogaz capté est prioritairement dirigé vers un dispositif de valorisation puis, le cas échéant, d'élimination par combustion. »

La réglementation impose ainsi de tout collecter puis de « valoriser le biogaz » ou à défaut, de le brûler.

« un dispositif de valorisation » c'est une installation qui intelligemment utilise le biogaz, largement composé de méthane, pour produire soit de la chaleur soit de l'électricité. (pour évoquer un sujet d'actualité, le gaz importé de Russie n'est rien d'autre que, à plus de 90%, du méthane).

A défaut de valorisation le méthane est éliminé par « combustion » c'est à dire, comme indiqué expressément dans l'arrêté préfectoral qui concerne l'ISDND de Sorbiers, en ayant recours à une torchère où on brûle le biogaz, la réglementation étant précise : article 21 de l'arrêté du 15 février 2016 : « Les équipements de destruction du biogaz (...) sont conçus de manière à assurer que les gaz de combustion soient portés à 900 °C pendant au moins 0,3 seconde. »

La réalité assumée du non respect de la réglementation

L'entreprise chargée par la communauté de commune du Sisteronais Buëch d'exploiter l'ISDND ne s'en cache pas

Lors d'une réunion qui s'est tenue le 28 septembre 2021 à la préfecture sous la présidence du secrétaire général de la préfecture, le représentant de l'entreprise annonce « actuellement ils partent dans l'atmosphère et font partie des gaz à effet de serre. Lorsque la couverture sera en place, ils seront piégés »

↑ citation extraite du compte-rendu de la commission disponible sur le site de la préfecture

Le « actuellement » invite à penser que ça n'a pas toujours été le cas : peut-être est ce momentanément que la réglementation n'est pas respectée.

En réalité, et l'exploitant ne le conteste pas, les biogaz n'ont depuis l'arrivée en 2011 des premiers déchets jamais été brûlés.

Dix ans de rejet à l'air libre du méthane en violation assumée de la réglementation.

Ces émissions illégales de méthane constituent juridiquement une véritable pollution.

Ça résulte de nombreux textes dont l'un est particulièrement parlant ; l'article L 220-2 du code de l'environnement

« Constitue une pollution atmosphérique (...) l'introduction par l'homme, directement ou indirectement ou la présence, dans l'atmosphère (...) d'agents chimiques, biologiques ou physiques ayant des conséquences préjudiciables de nature (...) à influer sur les changements climatiques, (...) ».

L'importance quantitative de la pollution en cours à Sorbiers.

Il est assez facile de faire une évaluation de la quantité annuelle de m3 de méthane émise à Sorbiers en multipliant ce que les 88.8 3 m3 / heure constatés par l'exploitant par le nombre d'heures de l'année.

Même cette première étape n'est pas évidente car basée sur un seul relevé en 18 mois alors que la réglementation impose à l'exploitant de faire un relevé par mois.

Après tout se complique et précisons tout de suite, plusieurs chiffrages sont possibles.

Pour évaluer la pollution on ne doit pas parler de m3 de méthane mais de tonnes d'équivalent co2.

La tonne de dioxyde de carbone est l'unité de mesure pour évaluer la contribution au réchauffement climatique d'une émission de n'importe quel gaz à effet de serre.

Il nous faut passer des m3 de méthane calculés ci-dessus à des tonnes de méthane puis de ces tonnes de méthane à des tonnes d'équivalent co2 et lors de ce dernier passage des choix sont possibles.

Un facteur déterminant est le potentiel de réchauffement global (PRG) qu'on retient. Si on compare les effets sur le climat du méthane et ceux du co2 sur une période de 20 ans, le méthane est 84 fois plus puissant que le co2 ; une tonne de méthane « vaut » 84 tonnes d'équivalent co2.

Si on les compare sur une période de 100 ans, le méthane, qui se détruit assez rapidement dans l'air (une cinquantaine d'année pour qu'il n'en reste presque plus), 1 tonne de méthane ne vaut « que » 28 tonnes de co2.

Nous dirons simplement ici que selon les choix que l'on fait dans les calculs, la pollution se chiffre à un peu moins de 12 000 tonnes d'équivalent co2 par an à plus de 24 000 par an, voire près de 40 000 !.

12 000 tonnes d'équivalent co2, c'est beaucoup ? c'est énorme pour une source d'émission de gaz à effet de serre limitée à un établissement ! et « en argent », c'est ruineux.

12 000 tonnes étant le plus petit des chiffrages qui peuvent être retenus.

La communauté de commune du Sisteronais Buëch qui s'affiche soucieuse du réchauffement climatique élabore son « PCAET » (plan climat air énergie territorial).

Dans son document de présentation de l'état des lieux présenté en 2019, page 13, la CCSB annonce qu'en calculant les gaz à effet de serre émis par tous les acteurs économiques (entreprises, agriculteurs...) et tous les habitants résidant sur le territoire de la communauté de communes lors de toutes leurs activités (chauffage, déplacements ...) on arrive à 300 000 tonnes d'équivalent co2 émis par an.

La communauté de communes et donc nos impôts finance des bureaux d'étude pour trouver des moyens de réduire de quelques 1 à 2 % par an les gaz à effet de serre émis sur son territoire alors que l'établissement de Sorbiers qui est sous sa responsabilité émet à lui seul et illégalement 4% de ce que tous les autres émettent pour toutes leurs activités...

Comprenne qui pourra.

Autre manière d'évaluer : l'ADEME publie les émissions moyennes des véhicules essence. En 2020 c'était 109 gramme par km.

Il faut 110 millions de km de voiture essence pour émettre autant de gaz à effet de serre que l'ISDND de Sorbiers le fait : soit 1000 voitures qui parcourraient chacune 11 000 km mais pour aller nulle part : à Sorbiers ce sont des gaz à effet de serre émis en pure perte.

Enfin, une évaluation « en argent » comme nos élus aiment si souvent le faire.

Pour éviter des émissions de gaz à effet de serre de nombreuses mesures telles que les aides pour changer de système de chauffage sont prises.

Prenons l'exemple de l'aide de 6000 euros pour l'achat d'une voiture électrique neuve.

Comparativement à une voiture essence, chaque km roulé « en électrique » évite au plus l'émission des 109 grammes de co2 que la voiture essence émet.

En imaginant que les voitures essence neuves font en moyenne 200 000 km, ce qui est loin d'être le cas, l'émission de co2 évitée en ayant encouragé l'achat d'une voiture électrique plutôt que essence est 200 000 fois (les 200 000 km) 109 grammes (l'émission de co2 par km) soit 21.8 tonnes.

6000 euros de vos impôts auront donc été dépensés pour éviter 21.8 tonnes de co2.

Ça fait le prix de la tonne de co2 évité à 275 euros..

Pour compenser les 12 000 tonnes d'équivalent co2 émis chaque année à Sorbiers, il faut dépenser 3.3 millions d'euros

(ou calculé dans l'autre sens : 550 voitures électrique qui n'émettent pas les 21.8 tonnes qu'elles auraient émises en voiture essence font les 12 000 tonnes d'équivalent CO2. 550 voitures subventionnées à 6000 euros chacune, on retombe sur les 3.3 millions d'euros).

l'Etat, parfaitement informé, s'est montré indifférent à cette pollution

Que le pollueur pollue, c'est inacceptable mais on comprend ce que peut être son intérêt : éviter les dépenses qu'il faut engager pour être en règle et cesser de polluer.

Mais il existe des fonctionnaires ceux de la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) qui sont chargés de vérifier que les installation classées respectent les règles de fonctionnement qui s'imposent à elles et le préfet quand il y a irrégularité met l'exploitant en demeure de régulariser la situation.

En 2015 la préfecture des Hautes-Alpes a bien adressé à l'exploitant de l'ISDND de Sorbiers une mise en demeure de mettre en œuvre ce qui est prévu pour le méthane : le brûler dans une torchère.

Finalement en 2016, la mise en demeure a été « rapportée » nous dit le représentant de la DREAL.

Ce n'est pas que la situation était régularisée. Non ! c'est que ce n'était pas très facile de bien capter les biogaz. Il aurait fallu des travaux lourds.

Imaginons que la mise en conformité ait été réellement difficile et comparons avec le contrôle technique de votre vieux véhicule.

Des anomalies graves ont été constatées et vos venez à la contre visite en n'ayant pas fait les réparations.

Quel est le contrôleur technique qui va dire « oui, ça vous faisait beaucoup de réparations à faire, je vous comprends, n'en parlons plus, circulez... »

Sachant qu'il n'existe pas de stockage d'ordures ménagèrent qui ne produise pas de biogaz contenant en grande quantité du méthane la DREAL et la préfecture n'avaient qu'une alternative : soit obtenir la mise en place d'un des procédés d'élimination du méthane imposé par la réglementation, soit ordonner la fermeture de l'établissement.

Quelles peuvent être les raisons qui ont poussé les représentants de l'Etat à dire au pollueur « continuez comme ça ».

Les difficultés techniques invoquées fin 2021 ne sont aucunement insurmontables mais imaginons qu'elles le soient, cela n'expliquerait toujours pas la décision de laisser fonctionner l'installation de manière irrégulière et polluante : si la mise en conformité était si difficile voire impossible, il fallait dès ce constat aurait été fait que plus une seule benne d'ordures ménagères ne soit amenée sur le site et vienne augmenter les gaz à effet de serre relâchés dans l'atmosphère.

Au lieu de cela, plusieurs dizaines de tonnes de déchets ont été apportées les années 2016 2017 2018 2019 et 2020.

C'est un choix qui a été fait. Derrière les beaux discours, les déclarations et les textes de loi parlant de priorité nationale, ce type de pollution laisse nos gouvernants indifférents.

Les raisons de l'indifférence à ce type de pollution

Personne ne nie la contribution du méthane au réchauffement climatique ; ça a même été il y a quelques mois un des principaux sujets de la COP26 à Glasgow au cours de laquelle 90 états se sont engagés à limiter les émissions de méthane alors même que certaines sont difficilement évitables (cf. les ruminants).

L'Etat français on l'a vu annonce qu'il fait de la lutte contre le réchauffement climatique une « priorité nationale ».

Alors pourquoi laisser se poursuivre une émission massive et illégale de gaz à effet de serre dont on a connaissance.

Selon nous une des raisons est la nature de la pollution en cause

Prenons un exemple opposé ; la rupture d'une canalisation qui entraînerait le déversement de produits toxiques dans un cours d'eau et, en aval, la vue de poissons morts flottant le ventre à l'air. L'exploitant sait s'exposer à des sanctions et à ce que sa responsabilité soit engagée. Il entreprend les travaux dans les jours qui suivent. Si elles sont informées la presse rend compte de la pollution et la DREAL s'assure d'un retour à la normale.

A Sorbiers, c'est une pollution "climatique" qui est en jeu et les caractéristiques particulières de cette pollution font que les pollueurs ne se sentent aucunement coupables.

La chose polluante, le méthane, est un gaz incolore qui se diffuse dans l'air. Les milliers de tonnes de tonnes de CH4 émises illégalement à Sorbiers rejoignent les millions et milliards de tonnes émis un peu partout sur la planète.

Aucun des effets du réchauffement climatique pris « individuellement » ne peut être rattaché à la pollution en cours à Sorbiers : la sécheresse ici, l'incendie là, rien, considéré isolément, ne peut être rattaché à telle ou telle émission de gaz à effet de serre.

Il n'est même pas possible en l'état des connaissances d'affirmer de manière certaine que ceci ou cela résulte directement du réchauffement global..

En revanche, en regardant l'évolution d'ensemble du climat, l'augmentation en nombre et en intensité des phénomènes climatiques extrêmes est rattaché par la communauté scientifique au réchauffement en cours et il n'est pas contesté par les décideurs français que ce réchauffement résulte pour l'essentiel des activités humaines.

Mais ce n'est pas pour autant que des contributions au réchauffement climatique, ici le méthane émis à Sorbiers au lieu d'être brûlé, est "individuellement" responsable de telle ou telle catastrophe.

Tout est tellement « dilué » que, alors même que les effets de l'évolution du climat sont en certains lieux déjà dramatiques, que ces effets augmentent et s'accélèrent (effondrement de la biodiversité, zones devenues inhabitables etc,)

il n'y a aucun sentiment de culpabilité chez les pollueurs qui polluent « par émission de gaz à effet de serre » (même quand ils agissent illégalement !

Les effets de la pollution sont invisibles à leurs yeux car non « individualisés ».

La faute commise par la CCSB en n'éliminant pas les biogaz produit sur le site dont elle a la responsabilité ne produit aucun effet direct, visible, que FR3 pourrait filmer.

Les gaz à effet de serre émis à Sorbiers ne font aux yeux des pollueurs que rejoindre anonymement le fleuve des autres émissions.

1000 à 3000 tonnes d'équivalent CO2 sont envoyées illégalement dans l'air chaque mois depuis des années par l'ISDND de Sorbiers.

Cette pollution atmosphérique n'est pas perçue comme étant une vraie pollution, et ce, malgré les dispositions expresses du code de l'environnement ET surtout bien que les effets du réchauffement climatique commencent à se faire sentir et qu'il est urgent d'agir, à commencer par l'élimination des émissions de gaz à effet de serre qui, comme à Sorbiers, ne répondent à aucun besoin.

FACE A CETTE INDIFFERENCE, des citoyens et associations se mobilisent.

La SAPN-FNE05 et climat05 ont engagé diverses actions et continuerons.

Avec la collaboration technique de climat05 et le recours à un avocat, Me Victoria spécialisé en droit de l'environnement au barreau d'Aix-en-Provence, la SAPN-FNE05 initie une procédure innovante (2eme partie de la conférence de presse)

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